Au-delà de l’état catastrophique dans lequel se trouve, aujourd’hui, l’infrastructure de base, dont les conséquences se font lourdement sentir hiver comme été, plus de 80 nouvelles communes manquent de plans d’aménagement local. Ce qui a pour conséquence le risque de voir pousser, comme des champignons, des constructions anarchiques nuisibles à l’image des villes durables qu’on a tendance à instaurer.
Toutefois, leur planification en dehors d’une approche du développement paysagère inclusive pose encore problème. Cela repose la question sur le rôle des architectes paysagistes dans les schémas directeurs d’aménagement territorial. Sous cet angle, la Tunisie était, tout récemment, capitale des ingénieurs paysagistes. Le 6e symposium de l’Ifla Afrique sur l’architecture du paysage tenu, les 11 et 12 de ce mois, au siège de l’Utica à Tunis, a été l’occasion de débattre des défis de la profession et des moyens de sa promotion en tant que pilier dans la conception de l’espace urbanistique. Le volet esthétique n’est pas de moindre importance dans l’aménagement des villes et des routes. En fait, l’initiative d’organiser un tel événement est venue de l’Association tunisienne des ingénieurs et architectes paysagistes (Talae), membre de l’Ifla (Fédération internationale des architectes paysagistes) depuis sa naissance en 2013. Avoir une place dans le temps et dans l’espace est sa raison d’être. Deux jours durant, la profession s’est penchée sur son devenir. Son rôle demeure ainsi vital, de par l’aspect esthétique dont elle revêt et l’identité urbanistique que s’offre le cachet architectural paysager. D’ailleurs, ce symposium vient confirmer cette tendance, avec pour thème «Paysage, paysagistes et villes durables». Trois maîtres-mots pour mieux comprendre les revendications d’une profession si jeune et ambitieuse. A l’ouverture des travaux, M. Mokhtar Hammami, ministre des Affaires locales et de l’Environnement a mis en avant l’apport de ce métier dans la lutte contre l’extension urbaine. Phénomène qui a trop défiguré le visage des villes et pesé lourd sur la verdure, l’eau et la qualité de l’air. D’autant que l’impact des changements climatiques n’est plus à démontrer. D’où, fait-il valoir, le rôle capital des architectes paysagistes dans la conception des villes de demain. «Ces concepteurs de l’espace, donneurs de l’espoir pour un milieu urbain à identité architecturale bien faite», qualifie le ministre.
Profession, un souci d’existence
Surtout que l’aménagement du territoire en Tunisie fait aujourd’hui défaut. Il y a, alors, trois défis à relever: trop de constructions anarchiques dans les grandes villes, un exode rural accéléré (plus d’un million de Tunisiens ont migré dans les régions intérieures du pays) et des plans d’aménagement très anciens. L’on compte près de 350 municipalités se dotant de leurs propres plans dont la quasi-majorité n’est pas encore adaptée aux exigences de la durabilité. Et le ministre d’insister sur la numérisation de ces plans, afin que le citoyen puisse y avoir accès. «Chacun a droit de connaître sa ville», souligne-t-il. Entre-temps, l’on s’attend à ce que le nouveau code d’aménagement du territoire, actuellement dans sa dernière mouture, voie le jour d’ici la fin de l’année. De son côté, M. Jilani Chatty, secrétaire général de la Talae, déplore le sort du métier, alors qu’il devient indispensable dans l’ingénierie de l’espace. «Nous étions une trentaine promus de l’école de Versailles (France) qui enseignent actuellement à l’école de Chott Mériem à Sousse. De nos jours, le corps du métier compte alors quelque 200 paysagistes», recense-t-il. Ils interviennent dans la planification des villes et la conception des routes et autoroutes, au même titre que les ingénieurs civils et les architectes urbanistes. Ils sont partie prenante dans la bonne gestion des communes. «A Thibar (Béja), on a conçu et réalisé un plan d’aménagement local durable suivant une approche participative. Même chose à Sidi Bouzid. Donc, le rôle du paysagiste intervient en amont de tout projet d’aménagement. Pour lui, le souci d’aujourd’hui est de promouvoir la profession tout en créant des lois l’organisant. Architecte paysagiste de formation, M. Moëz Bouraoui, ex-président de l’Atide, partage le même avis, demandant aux autorités locales de porter intérêt à l’aménagement de l’espace, à même de tenir compte de la profession en question.